Un opéra rock Beaucoup accessible

En résidence à l’école de musique de Villeurbanne, Thierry Beaucoup est à l’initiative de projets visant à permettre aux personnes en situation de handicap de profiter d’événements culturels comme toute personne lambda. Il a invité l’ALDSM en vue de mener une réflexion sur les moyens d’accessibilité auditive.

Nous étions donc conviés à une journée de travail avec l’équipe artistique et technique à l’ENM de Villeurbanne (École Nationale de Musique, danse et art dramatique) pour une répétition de l’opéra « Roman(e ) » qui mêle des airs lyriques classiques à des rythmes de rock.

Les premiers échanges :

L’accueil est agréable avec boissons et viennoiseries. S’ensuit une présentation de l’équipe entière : les artistes (chanteuse lyrique, guitare électrique, guitare basse, batteur et saxophone) et les techniciens (Ingénieur du son, projectionniste ainsi que la personne en charge des surtitres). Toutes les personnes présentes ont eu un comportement adapté sans que nous ayons à intervenir à aucun moment que ce soit avec une mention spéciale à Mr Thierry Beaucoup, portant ce projet avec brio et bienveillance.

Deux livrets du spectacle dont l’un en FALC (Facile A Lire et A Comprendre), nous sont remis. Un livret en braille nous a égaiement été présenté ; l’audiodescription faisant l’objet d’une matinée de travail avec des personnes malvoyantes ou aveugles.

Thierry Beaucoup prend le temps de nous expliquer l’histoire dont les thèmes sont empruntés à l’opéra classique (mort, errance, amour…). Roman(e) est un personnage qui s’affranchira de relations restrictives, parfois toxiques à la suite du décès de sa mère.

Les moyens techniques :

Trois dispositifs sont proposés pour les personnes malentendantes ou sourdes n’utilisant pas la LSF : gilets vibrants, bim et surtitrage. A noter que ces solutions ont été pensées le plus localement possible, ce qui ouvre des perspectives pour influencer les lieux culturels de la métropole lyonnaise.

Les gilets vibrants :

Ce dispositif s’enfile comme un sac à dos plat, rigide mais léger. Il capte les vibrations émises par les instruments et les restitue. Cela met le corps à contribution pour palier la déficience auditive par un moyen tactile : les vibrations sont ressenties le long de la colonne vertébrale. Le cerveau se chargeant de les interpréter.

Voici deux petits témoignages de néophytes :

« L’équipe ajuste nos gilets, ça reste confortable. Le mien fonctionne bien, je l’utilise à un niveau très raisonnable car les attaques de la batterie me feraient vite sursauter ! Je ne suis pas sourde, avec un implant je n’ai pas trouvé un grand bénéfice à ressentir les vibrations des basses, surtout. » Nicole

« Pour moi qui entend la musique (elle était très forte…voire trop forte…parfois il était nécessaire de réduire le volume des appareils auditifs), les gilets vibrants ne m’ont pas été utiles, mais ne m’ont pas gênée non plus : j’ai ressenti des vibrations au rythme de la musique et de son amplitude sonore. » Isabelle

La boucle magnétique

Cette journée avait pour objectif de tester l’effet de la BIM pour différents extraits de l’opéra :

tous les instruments et la voix, séquence très sonore

Moment plus calme avec voix et saxophone

Et dernier extrait final avec tous les musiciens et la voix

C’est une boucle « portative » c’est à dire transportable. Ressemblant à un fil électrique, elle est fixée sur 4 rangées sur le haut des dossiers des fauteuils, ainsi l’onde n’est pas trop éloignée des appareil auditifs des spectateurs malentendants.

Attention seuls les appareils auditifs possédant la position T sont compatibles avec la boucle. A noter qu’il existe la position T (seuls les instruments sélectionnés par la boucle sont entendus dans les appareils auditifs) et la position T mixte (c’est à dire que les sons de la salle ne sont pas bloqués par la boucle).

Pour cet opéra-rock, seuls la voix et instruments mélodiques ont été sélectionnés par l’ingénieur du son pour être mis sur la boucle

Les témoignages

« Les sons des instruments et de la voix étaient suffisamment sonores pour les entendre sans boucle. Pour les moments plus doux on peut choisir de se mettre en position T . La boucle à induction magnétique est utile pour la compréhension de la parole (par exemple au théâtre) mais pour de la musique il est très difficile d’amplifier plusieurs instruments pour une écoute harmonieuse d’un ensemble instrumental ou d’un orchestre. » Lucile

« J’ai également testé la BIM… qui ne m’a pas servi non plus : elle ne m’a pas aidée ni pour entendre la musique ni pour comprendre les paroles…très difficile puisqu’il s’agissait de chants (même pour les entendants). » Isabelle

« Par moment, j’ai aussi utilisé la BIM qui passait au dos de mon fauteuil. Sans effet sur la musique, elle m’a permis de mieux percevoir la voix de la chanteuse lyrique. » Nicole

Le surtitrage

C’est le dispositif qui a fit l’unanimité. Il était nécessaire, fort bien pensé et fut apprécié pour sa qualité. La scène permettait d’avoir 2 écrans sans entraver ni le décor ni les jeux de lumières.

Sur la partie gauche de la scène, figuraient les indications sonores (type d’instrument, rythme…etc) alors que sur la partie centrale, ce sont les paroles des chansons, celles-ci étant en allemand, italien ou français, qui s’inscrivaient avec le code couleur habituel (blanc pour les personnages en visuel, jaune pour les hors champ, vert pour les langues étrangères…etc).. Dans chaque cadre, le texte est assez court, facile à lire et défile à un rythme tout à fait calé sur l’action des acteurs. Bravo à l’opératrice qui le fait au fur et à mesure.

Nous avons proposé de très légères améliorations (la lumière des projecteurs rendant la lecture un peu plus difficile sur une scène), apporté quelques remarques (certaines indications sonores apparaissant sur l’écran paroles). Mais ce fut minime.

Bilan des tests :

« Un spectacle inhabituel, étonnant pour moi, que j’ai bien apprécié. Un grand merci à toute l’équipe pour les efforts au service des personnes malentendantes handicapées. » Nicole

« En tant que malentendante qui récupère de l’audition avec mes appareils auditifs, j’ai l’habitude d’aller au ciné-opéra, puisque ces spectacles sont accessibles aux malentendants (tout au moins appareillés ou implantés) qui peuvent entendre la musique et que les textes sont sous-titrés. Peut-être les gilets vibrants et la BIM pourraient-ils aider les sourds profonds dans l’incapacité totale d’entendre des sons ???

Pour moi également, le spectacle était inhabituel…je n’ai pas l’habitude des opéras rock. C’est une adaptation intéressante de l’opéra classique et donc « pourquoi pas ? », si cela rend l’opéra accessible à tous, quelque soit sa sensibilité musicale et ses handicaps. » Isabelle

« Une excellente initiative permettant à toute personne d’accéder à un univers vers lequel on n’oserait pas spontanément aller.

Inclure les personnes concernées dans la réflexion paraît logique mais cette vision est extrêmement rarement concrétisée.

L’équipe mérite non seulement notre reconnaissance mais aussi celle des autres institutions culturelles pour l’exemplarité de l’accessibilité universelle » Rachel

Le spectacle

Suite à ces tests, il nous était proposé de voir le spectacle en entier. Isabelle nous fait part de son expérience.

« J’ai ensuite assisté à la « 1ere » du spectacle complet. Il réunissait entre 100 et 150 personnes. Je n’ai utilisé ni gilets vibrants, ni BIM. J’avais réduit le volume des mes appareils auditifs, ce qui m’a permis de bien entendre la musique sans qu’elle soit trop forte. En revanche, la BIM m’a été très utile pour le débat qui a suivi, sans quoi, je n’aurais pas compris. Et pour une accessibilité totale, il y avait même un traducteur en langues des signes pour la discussion !

Le débat revenait largement sur les outils d’accessibilité développés, avec des prises de parole de malvoyants/aveugles. J’ai également témoigné sur mon expérience relative à l’accessibilité auditive et il semble que j’étais la seule malentendante ???

Un grand merci à toute l’équipe qui a réalisé ce spectacle et tous les efforts déployés pour l’accessibilité. Rêvons qu’il en soit de même dans tous les lieux culturels… »

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