Mal entendre, Késaco ?

La malentendance, une évolution insidieuse, et mal vue dans la société

L’audition se dégrade tout au long de la vie, plus ou moins tôt, plus ou moins fortement, selon le degré d’exposition aux bruits forts tout au long de la vie, et selon des facteurs génétiques favorisants. Tant que la perte est inférieure à 20 dB, on considère qu’on reste dans les limites d’une audition normale. Les premiers signes de la dégradation sont insidieux, et il est difficile de s’en apercevoir, au contraire de la baisse de la vue.

ICela se manifeste par une gêne à suivre une conversation lorsque la personne qui parle est dans une autre pièce de la maison (conversation à distance), ou tourne le dos, et une gêne à suivre une conversation en milieu bruyant. Vous avez l’impression que les autres parlent plus faiblement, marmonnent. Votre entourage vous fait remarquer que vous montez le son de la télévision, que vous parlez plus fort, que vous faites répéter plus souvent. Vous n’entendez plus le chant de certains oiseaux, le bruissement du vent dans les feuilles… Une première démarche est de consulter un audioprothésiste qui pourra vous faire un audiogramme gratuitement, ou bien en parler à votre médecin généraliste qui pourra vous adresser à un médecin ORL qui vous fera passer l’audiogramme. Une ordonnance d’appareillage par un médecin généraliste ou ORL est indispensable pour lancer le processus d’appareillage chez l’audioprothésiste.

Il n’y a que vous qui pouvez évaluer le moment où cela peut être intéressant de vous appareiller. Lorsque vous êtes gêné au point que vous n’aurez plus de plaisir, ou que vous aurez beaucoup de fatigue dans des réunions où vous n’arrivez pas bien à suivre la conversation. Lorsque vous avez du mal à capter les informations orales ou les voix faibles ou lointaines dans les lieux publics bruyants (commerces, transports, administrations), l’appareillage vous permettra de retrouver un niveau de confort et de baisser votre niveau de fatigue.

Le déni de la surdité qui apparaît après 50, 60, 70 ans est fort car celle-ci est associée à la vieillesse, à la baisse des capacités intellectuelles. Le vocabulaire lui-même, ou la culture, témoignent de cette perception négative dans la société : « sourdingue », le professeur Tournesol qui, avec son célèbre cornet, est à côté de la plaque…

Par comparaison, le baisse de vue ne donne pas lieu à un vocabulaire aussi négatif.

Imaginez, qu’on qualifie celle-ci de cécité légère, moyenne ou sévère ! Or il n’existe pas d’autre vocable que « malentendance » ou « surdité », pour qualifier une baisse d’audition, qui n’est pas une surdité totale. Même si le terme de presbyacousie existe pour désigner la baisse d’audition liée à l’âge, tout comme on parle de presbytie pour qualifier la baisse de la vision de près après 45-55 ans, il n’est pas entré dans le vocabulaire courant.

Être malentendant est souvent perçu comme une tare, quelque chose dont on a honte. Un premier réflexe sera de se le cacher, de le cacher aux autres. Cette stratégie n’aboutit qu’à davantage de malentendus, d’agacement du cercle proche voire à la déconsidération de votre personne. En effet, l’entourage proche s’apercevra assez vite du problème, tandis que l’entourage professionnel ou social pourra mal interpréter votre comportement (désintérêt, manque de compétences, manque d’attention…).

Une personne malentendante a des comportements pouvant paraître maladroits, car elle ne perçoit plus les petits signes d’alerte auditive qui donnent des informations aux normoentendants sans même qu’ils s’en aperçoivent, et leur permettent d’adapter leur comportement : par exemple des bruissements ou des pas qui se rapprochent pour signaler l’arrivée d’une personne, …

De même, la compréhension est plus longue, car le message même avec un appareillage auditif, comporte des trous, c’est-à-dire des sons ou des mots qui n’ont pas été compris dans une phrase et vous allez mettre en œuvre ce que l’on appelle la suppléance mentale pour arriver à reconstituer le puzzle : à partir de votre mémoire et dans le contexte, vous allez reconstituer le message. Cela prend un certain temps, et mobilise vos facultés intellectuelles, votre concentration, votre mémoire. Cela crée une fatigue.

A cause de ces comportements inadaptés ou non réactifs, les personnes qui côtoient des malentendants peuvent se méprendre sur l’intelligence de celles-ci.

Par ailleurs, afin d’éviter les situations gênantes pour elle, qui sont en lien avec la vie sociale, la personne malentendante qui ne fait pas la démarche de gérer ce handicap peut s’isoler socialement. Le manque de stimulation sociale va accélérer le déclin cognitif et peut provoquer des dépressions.

La stratégie de prise en charge de la malentendance possède plusieurs dimensions et nécessite du volontarisme

La prise de conscience de la surdité, et la mise en place d’une stratégie de lutte qui comporte plusieurs aspects vous permettra de garder ou reconquérir une qualité de vie sociale et culturelle.

L’appareillage est l’un de ces moyens, certes très importants, mais il ne doit pas être le seul. Un comportement actif mobilisant vos facultés de réadaptation est également nécessaire.

L’appareillage nécessite, tout comme le port des lunettes, un temps d’adaptation, qui est parfois long (quelques semaines). Ce temps sera d’autant plus long que vous aurez pris l’habitude de moins bien entendre. Les progrès techniques des appareils permettent un confort d’écoute, mais néanmoins, l’audition étant issue d’un traitement de multiples informations auditives perçues par le cerveau dans un environnement sonore complexe, et aussi pour des raisons techniques et de confort auditif, l’appareillage ne redonnera jamais une audition normale. La perte d’audition est irréversible, et il faut faire le deuil d’une audition normale, même avec un appareillage. Votre entourage doit également l’admettre, et modifier son comportement.

Ci-dessous, un audiogramme illustrant la surdité sans appareil (courbe bleue), puis la même oreille appareillée (courbe rouge) : on voit un gain variable selon les fréquences, mais qui ne revient pas à une audition normale.

Néanmoins, avec une adaptation à l’appareillage, des aides techniques complémentaires (casques, colliers magnétiques, liaisons bluetooth avec les prothèses auditives pour écouter le téléphone, la télévision, micros reliés aux appareils auditifs pour écouter des conversations lors de grandes réunions), la mise en œuvre de la lecture labiale, et tout simplement oser parler sans honte de ses difficultés d’audition en expliquant à son interlocuteur comment s’exprimer de manière à être compréhensible, la personne malentendante peut résoudre beaucoup de difficultés de communication.

Vous et votre entourage devez modifier vos habitudes de communication

L’entourage familial ou professionnel doit également faire l’effort de modifier certaines habitudes de communication comme parler sans regarder la personne, parler trop vite, marmonner, continuer de parler quand la personne n’est plus dans le champ visuel. Au contraire, avant de parler à la personne, il doit attirer son attention, l’appeler, s’assurer qu’elle le regarde, il doit parler avec un rythme modéré, en détachant les syllabes et en allongeant un peu sur les voyelles. Il est inutile de parler très fort ou d’exagérer l’articulation. Lorsque le message n’a pas été compris, il ne doit pas le répéter à l’identique mais le reformuler en changeant les mots ou les expressions, cela facilite votre suppléance mentale, vous pourrez plus facilement faire des recoupements et deviner après coup les mots que vous n’avez pas entendus la première fois. S’il n’a pas une réponse claire à sa question, ou un « oui » ou « non » évasif, alors qu’il aurait attendu plus de précision, il ne doit pas hésiter à demander si vous avez bien compris sa question.

Il faut éviter la situation suivante : vous faites répéter une première fois « Pardon ? », on vous répète à l’identique. Vous ne comprenez toujours pas, vous êtes gêné, vous allez passer pour un sourdingue, vous tentez de refaire répéter « Désolé, mais je n’ai pas toujours pas compris », on vous répète encore une deuxième fois le même charabia. Bon vous n’allez pas vous ridiculiser et ridiculiser votre interlocuteur également, ça devient gênant pour tout le monde, alors, vous faites semblant d’avoir compris pour vous en sortir d’une pirouette, vous répondez au hasard « oui » ou « non », et partez ou passez à un autre sujet. C’est le syndrome EPM : Et Puis Merde !

Vous devez prendre l’habitude de la reformulation active. Si vous n’avez pas compris la totalité de la question, indiquez ce que vous avez compris et que vous n’avez pas compris le reste ou faites une suggestion du sujet que vous pensez que votre interlocuteur a abordé, ou bien dites-lui avec le plus de détachement possible «  je suis désolé, je n’ai pas compris ce que vous me disiez, je suis malentendant, ou j’ai des difficultés auditives. Est-ce que vous pourriez parler moins vite, plus fort, est-ce que vous pourriez vous rapprocher, est-ce que vous pourriez baisser votre masque ? » Cela l’amènera souvent à reformuler ses propos en plus de s’exécuter. Vous aurez même la surprise que certains vous répondront qu’eux aussi sont malentendants.

Ensuite, plutôt que de répondre simplement « oui » ou « non », faites une phrase dans laquelle vous reprendrez les termes de la question de manière que votre interlocuteur soit certain d’avoir été bien compris. Vous éviterez ainsi le dialogue de sourd ou le malentendu.

La lecture labiale s’apprend à tout âge chez des orthophonistes spécialisées. Prescrite par le médecin généraliste, les séances sont remboursées entièrement. Elle constitue une aide complémentaire à l’appareillage auditif, mais elle ne peut être le seul outil de compréhension, car de nombreux mots ont les mêmes images labiales, et il n’est pas possible de les distinguer autrement que par le contexte. D’autre part, les mêmes personnes qui sont difficiles à comprendre parce qu’elles parlent vite, ou n’articulent pas suffisamment les syllabes, ont une lecture labiale très difficile aussi à comprendre. Pour ces raisons, on dit en général que la lecture labiale apporte 20% de compréhension supplémentaire. N’ayez pas peur de regarder les lèvres de vos interlocuteurs, ils ne s’en aperçoivent pas, ou bien ils ont l’impression que vous êtes particulièrement attentifs.

Conclusion

La prise en compte globale et active de ce handicap vous attirera l’empathie et la compréhension de votre entourage. Le regard sur la surdité a changé dans la société, il est dans l’ensemble beaucoup plus tolérant, compréhensif et aidant que vous pouvez l’imaginer, à condition que l’entourage ait connaissance de cette difficulté, et s’il voit que vous êtes dans une démarche active.

On estime à 10 millions le nombre de personnes malentendantes en France. 1,5 millions seulement sont appareillées. Avec le dispositif de classe 1, des solutions existent désormais pour pouvoir se faire appareiller sans reste à charge.

De plus en plus de personnes décident de gérer ces difficultés auditives et retrouvent ainsi une meilleure qualité de vie familiale, sociale et professionnelle.

Vous aussi, sautez le pas !

                                                                                                       Annabelle

Sources :

L’audition – guide complet – Association Journée Nationale de l’Audition

Entendre pour Comprendre – Jérôme Goust – Collection Néret

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