Conducteur de bus et … sourd

On peut conduire un bus lorsqu’on est sourd. Romuald Poupard en est la preuve : malgré ce handicap, il a été recruté en début d’année par les Transports Publics du Choletais (TPC), dans le Maine -et -Loire. Dans un premier temps, dans le cadre d’un CDD de six mois . «C’est un moyen de s’assurer que tout fonctionne bien, pour nous comme pour lui», explique Marc Delayer, le directeur général de Cholet bus, qui ajoute aussitôt:«Tout semble bien se passer.

Notre objectif est de signer un CDI en juin».

Passionné par la conduite de bus depuis l’enfance, Romuald Poupard a multiplié les stages au sein du réseau de transport urbain de Cholet. En commençant par un stage d’observation en 3e organisé par le collège pour découvrir la vie en entreprise. 

Les mêmes contraintes et les mêmes obligations

Pour travailler dans le domaine des transports, il passe en 2015 un Bac ProTransport Logistique, ainsi que le permis B et le Certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (CACES). Il effectue de nouveau stage aux TPC en tant qu’agent de méthodes et d’exploitation dans le cadre de sa formation Technicien d’exploitation logistique. Mais rien ne semble le détourner de son envie de conduire des bus.

Il entame alors les démarches pour passer son permis D (pour les transports en commun, mais ses tests auditifs sont « non concluants ». Il change ses appareils auditifs pour un système plus récent, tandis qu’un nouveau médecin agréé de la Préfecture, rencontré en juin 2021, valide son projet de formation au permis D. Il intègre donc en mars 2022 le centre de formation Forget et obtient, deux mois plus tard, sa FIMO et son permis D.

De leur côté, les TPC ont dû s’adapter. «On ne voulait pas et on ne pouvait pas tout révolutionner pour un seul conducteur. Romuald ne le voulait pas non plus», poursuit Marc Dulayer. « Il utilise les mêmes bus que ses collègues.Il a les mêmes contraintes, les mêmes obligations ».

Les outils de communications ont tout de même été adaptés. Pour les appels radio, qui permettent notamment aux contrôleurs d’entrer en relations avec les conducteurs, le prestataire des TPC, Arantel, a développé un outil spécifique qui lie le système radio existant à un réseau mobile. Cela permet de transcrire les paroles en texte qui vont s’afficher sur la tablette dont est doté Romuald Poupard. Cet outil électronique ne lui est pas réservé. Tous les conducteurs en utilisent un qu’ils installent à bord lors de leur prise de service. Celle de Romuald Poupard a toutefois été enrichie d’une application speach-to-text, en l’occurrence Ava Pro, qui transforme les demandes et les questions des clients en texte qui s’affiche à l’écran. Néanmoins, lec onducteur est capable de lire sur les lèvres (langue française parlée – LSF) et maîtrise aussi lal angue des signes (langue des signes française – LSF).

Sensibilisation au handicap

Par ailleurs, en interne une note a été diffusée auprès de l’ensemble du personnel, reprenant, sous forme de dessin, les conseils pour communiquer avec une personne sourde (parler de face,dans la lumière, sans articuler exagérément, etc.) et les principaux gestes de politesse en langage des signes (bonjour, au revoir, oui, non). Une manière de bien accueillir et intégrer leur nouveau collègue. «Pour la fête de Noël, on avait fait appel à une interprète qui a signé pendant la cérémonie. Mais ça reste exceptionnel», raconte encore le directeur général des TPC.

Reste que, si d’autres personnes sourdes exercent déjà le métier de conducteur dans les transports interurbains où les interactions avec un PCC ou des collègues contrôleurs sont quasi inexistantes, dans le transport urbain, les échanges sont plus fréquents. Mais pour les Transports Publics du Choletais, cette initiative fait partie de la démarche RSE. L’entreprise compte d’ailleurs dans ses rangs d’autres conducteurs en situation de handicap.

L’adaptation des outils de communication a été réalisée avec l’aide de CapEmploi49, un organisme qui accompagne, les personnes handicapées vers l’emploi et Audinome, cabinet de conseil pour le bien-être auditif de tous salariés sourds ou malentendants. Des relais utiles pour faciliter les adaptations de poste,mener des actions de sensibilisation à la surdité ou encore assurer une aide à la communication. Pour la partie financement, les TPC se sont rapprochés de Pôle emploi dans le cadre de la Préparatoire Opérationnelle à l’Embauche Individuelle (POEI)pour le titre professionnel. Un dossier a également été déposé auprès de l’Agefiph. À ce jour, les investissements nécessaires représentent un coût d’environ 25 000€. « Cela couvre la quasi-totalité des frais », assure Marc Delayer.

YannGoubin

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