QUAND CINÉ RIME AVEC ACCESSIBILITÉ.

Aller voir un film en VO avec sous-titrage en français peut être un choix culturel. Lorsqu’on a un handicap auditif, c’est souvent un choix par défaut et la seule possibilité que l’on entrevoit.

Or, plusieurs moyens existent pour que toute personne malentendante puisse profiter pleinement de séances de ciné. Quels sont-ils ? Où est-ce possible d’en profiter ? Qu’en pense les personnes qui ont testé ? Qu’en est-il du côté des professionnels ?

Toutes ces questions méritent des réponses !

LES MOYENS D’ACCESSIBILITÉ

  • BIM (boucle à induction magnétique) : c’est un moyen qu’on ne présente plus dans la stratosphère malentendante…. Pour les personnes qui souhaitent avoir plus d’informations, un article est disponible sur la page technique du site : https://www.aldsm.fr/2017/11/03/bim-boucles-a-induction-magnetique/
  • Film en VFSTF (film en Version Française Sous-Titré en Français) parfois mentionné avec OCAP (open caption) ou SME (sourds et malentendants) : les dialogues et ambiances sonores du film sont retranscrites en bas de l’écran du cinéma avec le code couleur malentendant. L’avantage est de pouvoir suivre le film comme tout-un-chacun. L’inconvénient est une offre limitée : seules quelques séances de certains films à l’affiche sont disponibles.

    Outre les moyens d’informations de chaque salle, les site cinest (https://www.cinest.fr/films) ou ciné sens (http://www.cine-sens.fr/category/films-accessibles/) permettent d’identifier ces séances au niveau national.

  • Twavox : c’est une application disponible sur smartphone ou tablette permettant d’avoir l’audiodescription pour les personnes ayant un handicap visuel ou bien, soit un renforcement sonore, soit le sous-titrage pour les personnes ayant un handicap auditif. Un focus twavox est à retrouver en fin d’article avec des témoignages.
  • Greta : cette nouvelle application, développée par Regards Neufs, permet d’avoir soit l’audiodescription soit le sous-titrage. L’avantage est de pouvoir de disposer du sous-titrage sur son smartphone et donc d’être libre d’aller à la séance souhaitée. L’inconvénient est qu’il existe peu de films disponibles, peut-être du fait que l’application était à destination du public suisse et développée par une marque allemande

    Fonctionnalités non testées : compatibilité avec des films sur les plateformes de cinéma comme La Toile ; synchronisation des sous-titres avec un DVD ou film à la TV.

    Toutes les informations sont disponibles sur le site de Regards Neufs : https://www.regards-neufs.ch/fr/films/applications-mobiles.

LES PROFESSIONNELS

  • CinéSens était jusqu’à présent un moyen de faciliter l’accès au ciné des personnes ayant un handicap cognitif ou psychique. Depuis peu, cette association agit aussi pour les personnes ayant un handicap sensoriel (visuel ou auditif). L’objectif premier est de former et sensibiliser les professionnels du cinéma à la problématique de l’accueil du public handicapé, d’agir pour une meilleure accessibilité des salles par une politique inclusive. Site : http://www.cine-sens.fr/
  • La petite interview d’une professionnelle :

Mon chemin ayant croisé à différentes occasions celui de Sandrine Dias, œuvrant pour l’accessibilité cinématographique, j’ai voulu en savoir un peu plus sur son parcours. Je vous laisse en découvrir la richesse, l’engagement pour sensibiliser à cette problématique.

« J’ai suivi un cursus cinéma et photographie à l’université. J’ai travaillé pendant presque 20 ans dans l’exploitation cinématographique. D’abord dans le quartier de la Duchère à Lyon neuvième en tant que médiatrice culturelle pour commencer, puis en tant que directrice-programmatrice, puis à Villeurbanne au Zola, en tant que directrice programmatrice.

Concernant l’accessibilité au Zola : la première chose mise en place a été l’audio description grâce aux boîtiers achetés au moment du passage au numérique en 2011 environ. Le système a été complété avec l’application Twavox quelques années plus tard. Cette application a permis d’intégrer l’accessibilité pour les sous-titres sourds et malentendants. Loin d’être une solution complète, cela a offert une alternative pour le mono-écran (éviter la diffusion des sous-titres à toute la salle, et éviter le mécontentement du public pas encore habitué à suivre un film avec ST SME).

J’ai quitté l’exploitation cinéma pour me réorienter professionnellement et me former à L’écriture d’audiodescription.

Par ailleurs, je collabore avec l’association ciné sens qui s’adresse aux professionnels du cinéma pour les sensibiliser, les former et les accompagner sur les sujets d’accessibilité du film en salle. Je suis donc amenée à intervenir auprès d’étudiants en cinéma notamment pour les informer sur ces questions afin qu’il les intègrent dans leurs futurs projets professionnels.

En parallèle, je développe également des projets personnels sur ces sujets, notamment sous forme d’ateliers pédagogiques à destination du public scolaire ou du jeune public. »

Pour finir, je lui ai proposé de se prêter au jeu du portrait chinois en complétant la phrase « Si j’étais un film ou un personnage de ciné je serai.… ». Les réponses ont fusé instinctivement : Solange et Delphine dans Les demoiselles de Rochefort, Louise dans Thelma et Louise, Peggy Olson dans MAD Men (mais c’est une série), Ripley dans Alien.

LES SALLES ET LEURS ÉQUIPEMENTS

L’accessibilité est un cheval de bataille de certaines salles. En voici quelques-unes connues pour leurs actions en faveur des personnes touchées par la déficience auditive :

  • Le Zola, 117 Cours Émile Zola, 69100 Villeurbanne : Bim, Twavox, Greta, films en VO, quelques films en VFSTF….. tout y est, en plus d’une équipe très impliquée.À noter qu’il est possible de s’inscrire à la newsletter accessibilité qui permet d’avoir la liste des films accessibles selon son handicap : https://www.lezola.com/infos-pratiques/accessibilite/.
  • Le Comoedia, 13 Av. Berthelot, 69007 Lyon : salle qui propose régulièrement des films en VFSTF. Une information hebdomadaire est disponible sur demande à Coline David : colined@cinema-comoedia.com
  • La Fourmi, 68 Rue Pierre Corneille, 69003 Lyon : salle qui propose des films en VFSTF. Une newsletter recensant les séances avec sous-titrage et ceux en audiodescription (pour les personnes malvoyantes) est diffusée régulièrement. Inscription à l’adresse suivante : billetterie.fourmi@cinemas-lumiere.com
  • Ciné Mourguet, 15 Rue Deshay, 69110 Sainte-Foy-lès-Lyon :salle qui propose régulièrement des films en VFSTF. Une information mensuelle est disponible sur demande à Jean-Baptiste Armengaud : jeanbaptiste@cinemourguet.com
  • Ciné-Rillieux dispose du système twavox, dont l’explication du fonctionnement est donnée sur leur site internet. Certaines séances en VFSTF sont aussi programmées (http://cine-rillieux.fr/FR/43/horaires-cinema-cine-rillieux-rillieux-la-pape.html).

A noter que L’institut Lumière, Rue du Premier Film, 69008 Lyon, propose régulièrement des films en VO ; certaines salles UGC ou Pathé proposent aussi parfois des films en VFSTF.

Au contraire de ces bons élèves, on peut déplorer que beaucoup de salles de cinéma ne soient actuellement pas accessibles aux personnes malentendantes. Elles ont une obligation de mise en accessibilité selon un agenda qui doit être inscrit sur un registre d’accessibilité lequel doit être mis à la disposition du public. N’hésitez pas à poser la question lorsque vous allez au cinéma de l’existence de dispositifs pour les malentendants et sinon de l’échéance prévue.

D’autres salles et parfois de grands complexes disposent de systèmes d’accessibilité (twavox par exemple), mais n’en font pas la promotion ni l’explication que ce soit sur leur site internet ou sur place. Ces systèmes ne sont pas toujours opérationnels en réalité. Le personnel n’est pas toujours très disponible ou formé pour donner les explications. Il y a des marges de progrès…..

La liste des bons élèves ne demande qu’à être complétée par vos retours. Cela nous permettra d’enrichir nos informations.

FOCUS TWAVOX

Que se cache-t-il derrière ce nom étrange ?

Twavox est une application s’adressant à la fois aux personnes malvoyantes ou aveugles avec la fonction audiodescription et aux personnes malentendantes ou sourdes avec les fonctions renforcement sonore et sous-titrage.

Un malentendant, confronté à la pauvreté de l’offre cinéphile adaptée à son handicap, est à l’origine de cette application. L’objectif étant de pouvoir aller voir autant de films que possible à l’heure souhaitée. Certaines salles proposent des séances en VFSTF à des heures creuses pour éviter de contrarier un public lambda pouvant être gêné par le sous-titrage, celui-ci prenant place dans le film et ne correspondant pas tout à fait à ce qui est dit par les acteurs.

Twavox a été développé en prenant en compte ces problématiques. C’est pourquoi le choix a été fait d’une application disponible sur smartphone ou tablette : chaque personne peut aller à la séance de son choix et les autres personnes dans la salle ne sont pas gênées par le sous-titrage ou le renforcement sonore.

Pour en profiter, il suffit de télécharger l’application avant de se rendre au ciné. Charger à fond la batterie de son téléphone peut s’avérer bien utile : ne pas pouvoir suivre toute la séance serait dommage.

Une fois dans la salle, quelques petites manipulations sont nécessaires :

  • se mettre en mode avion (ce qui est pratique pour décoller vers de nouvelles aventures cinéphiles)
  • se brancher sur le wifi spécifique
  • choisir le mode d’accessibilité qui convient

Pour le sous-titrage, le téléphone ou tablette sont suffisants. Il est présent avec le code couleur sur fond noir (nuisances moindres pour les autres téléspectateurs). La taille du sous-titrage ainsi que la luminosité peuvent être réglées.

Pour l’audiodescription ou le renforcement sonore, avoir son propre matériel (casque, appareils auditifs, collier) relié à son smartphone est nécessaire. La connexion entre casque ou appareil se fait soit par bluetooth, soit par une connexion filaire entre le smartphone et le casque, soit par un collier magnétique qui se connecte avec la position T de l’appareil. Certains cinémas prêtent le matériel nécessaire.

Quelques précisions supplémentaires :

  • L’application est gratuite pour les personnes venant voir le film. Les frais sont à la charge des exploitants des salles de cinéma.
  • Les salles doivent acheter une version compatible. Voici une remarque de Jérémie Dunand, du Zola : « Même si certains films disposent d’une version avec sous-titrage SME, il faut que le distributeur du film nous fournisse les fichiers correspondant ce qui n’est pas toujours le cas. De plus, sans rentrer dans des détails techniques trop poussés, il existe aujourd’hui 2 normes de copies numériques pour le Cinéma, et une de ces 2 normes n’est pas compatible avec Twavox (c’est une histoire de chiffrement de fichiers) ».

Pour en savoir plus sur le fonctionnement, l’utilisation, le mode d’emploi… voici le lien vers leur site internet : https://www.twavox.com/fr/cin%C3%A9ma

Témoignages

Des adhérentes ont testé cette application de manière différente. Voici ce qu’elles en pensent :

Sous titrage.

A mon arrivée dans la métropole des frères Lumière, j’ai été ravie de l’offre cinéphile qui s’offrait à moi. J’ai vite déchanté en constatant que cette diversité était limitée pour les personnes malentendantes ayant besoin du sous-titrage : de rares films étaient proposés à des heures impossibles lorsqu’on a une vie active.

Les VO sont intéressantes mais choisir le film que l’on souhaite voir à n’importe quelle séance, est pour moi fondamental.

Donc, je suis allée rencontrer les personnes du Zola qui ont été très réceptives à cette question d’accessibilité. Après des recherches de leur côté en tenant compte de différents paramètres et des tests, le système Twavox a été retenu.

Au début, j’ai beaucoup apprécié l’accès libre à de nombreux films. Je pouvais de nouveau aller à la séance qui me convenait, aller voir des films diffusés en français et en discuter avec des ami.e.s.

Actuellement, l’offre est bien moindre du fait de l’incompatibilité des versions. C’est un peu dommage mais j’ose espérer que cela s’améliore.

D’un point de vue pratique, j’ai investi dans un pied pour éviter un torticolis ou des séances d’ostéopathie après chaque film : faire le va-et-vient entre l’écran du téléphone posé sur ses genoux et l’écran du cinéma ou bien tenir son téléphone à bout de bras durant toute la durée d’un film s’avère très inconfortable ! Je mets donc mon téléphone sur un pied que je règle à une hauteur permettant d’avoir en premier plan le sous-titrage sur mon écran de téléphone et en arrière plan le film sur le grand écran du cinéma. Et du coup, je peux suivre le film sans encombres.

J’apprécie réellement d’avoir cette possibilité de pouvoir de nouveau aller au ciné pour voir le film qui me tente, qui plus est dans une salle proche de chez moi avec une équipe investie dans cette problématique de l’accessibilité.

Renforcement sonore :

J’ai une surdité moyenne à une oreille et sévère à l’autre. Je suis appareillée des deux oreilles. A cause du temps mis par le son pour arriver dans les appareils (200 millisecondes, cela semble peu, mais c’est non négligeable), il y a superposition avec le son émis dans la salle : cela donne un effet haché qui rend les paroles incompréhensibles.

J’ai essayé aussi en enlevant mes appareils et en mettant un casque branché sur mon smartphone, mais finalement, le son étant fort dans la salle, j’entends mieux sans système twavox, juste avec mes appareils auditifs.

Ce système semble mieux adapté pour des cinémas où le sont n’est pas très fort et/ou pour des surdités sévères.

Quant aux sous-titres, tous les cinémas dotés de twavox n’indiquant pas quels sont les films où les sous-titres via twavox sont disponibles, c’est au petit bonheur la chance.

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