Défenseur des droits

En 2017, j’ai du me rendre au commissariat de police de ma ville, à deux reprises en l’espace d’un mois. Dès le début, j’ai bien entendu précisé être malentendante, expliqué quelques comportements à adopter pour que je puisse comprendre et montré ma carte handicap sur laquelle certains droits sont précisés. Tout ceci est resté vain et sans effet.

Ayant été très agacée par l’accueil reçu, par le manque de compréhension et d’humanité dont ont pu faire preuve les agents, j’ai souhaité par la suite signaler ce non-respect.

Le hasard a voulu que j’entende parler du Défenseur Des Droits (DDD) dans les jours qui ont suivi ma deuxième expédition au commissariat. C’est une autorité administrative créée en 2008, instituée en 2011 et remplaçant le Médiateur de la République créé en 1973. Sa mission est de veiller au respect des droits et des libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public. (site : https://www.defenseurdesdroits.fr/)

Le délégué rencontré m’a expliqué les démarches à effectuer et donné des conseils pertinents quant à la rédaction du courrier à envoyer au DDD au niveau national. J’ai été recontacté par mail plusieurs mois après avoir envoyé le courrier expliquant la situation pour des précisions sur certains points. Puis, à la mi-octobre 2019, je reçois un courrier postal d’une quinzaine de pages, signé par Mr Jacques Toubon, actuel titulaire.

La première partie de ce rapport est consacrée à un compte-rendu des faits et de l’enquête menée. Viens ensuite le « verdict », en l’occurrence un rappel à l’ordre s’appuyant sur plusieurs articles de lois. Une dizaine de recommandations sont faites par le DDD à l’encontre du ministre de l’intérieur et à l’encontre du secrétaire d’état en charge de la Fonction Publique et de la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Après avoir rappelé la définition de personne handicapée, en s’appuyant sur l’article 1er de la Convention Internationale Relative aux Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), le DDD rappelle que « l’égalité et la non-discrimination constituent, en tant que principe général (article 3) et droit (article 5), la pierre angulaire de la protection garantie par la CIDPH ». Ces deux thématiques passent par le biais d’aménagements et par la formation du personnel selon l’article 13 de la CIDPH. Le DDD fait aussi référence au CRPD et CEDH pour conclure que les droits sont applicables dans tous les services publics. Le refus de prendre en compte ces droits ou de mettre en place les aménagements raisonnables pouvant être constitutif d’un traitement discriminatoire.

Concernant l’accessibilité, le DDD cite l’article 78 de la loi. Il rappelle que l’article 12 a rendu obligatoire l’acquisition de connaissances par les personnels des ERP. La fatigue engendrée par la déficience auditive (concentration accrue, amplification sonore par l’appareillage…) a été mise en avant pour justifier l’accès prioritaire auquel ont droit les personnes malentendantes (ayant une carte handicap). Il rappelle qu’il est reconnu que les personnes atteintes de surdité ou de déficience auditive peuvent être confrontées à des possibilités de communication réduites avec des conséquences négatives sur la qualité des échanges, ce qui exige d’adapter les conditions de recueil des déclarations.

Sans doute par l’effet de cette enquête du DDD, dans le commissariat concerné, une BIM va être installée en 2022. Une formation a également été suivie par les effectifs du commissariat en juin 2019 avec accès à des fiches de sensibilisations…mais pour l’instant aucune fiche particulière pour les personnes touchées par le handicap auditif n’a été établie.

Se tourner vers le DDD en cas de ressenti discriminatoire ou non respect des droits est une piste bien efficace. La patience est de rigueur mais c’est une belle satisfaction que de voir l’attention accordée à la demande et le sacré rappel à l’ordre ! Se sentir entendu est toujours bon à prendre d’autant plus quand cela vient d’une autorité ou institution au niveau national.

Les recommandations

Les 8 recommandations faites au ministre de l’intérieur portent sur le droit au dépôt de plainte, sur les conditions d’enregistrement de plaintes, sur la non-discrimination du fait du handicap (référent handicap dans chaque brigade, aménagements, mise à disposition du registre d’accessibilité prévu par l’arrêté du 19 avril 2017), mise en place d’un module de sensibilisation à la discrimination au niveau national dès la formation (police et gendarmerie).

La recommandation faite au secrétaire d’état en charge de la Fonction Publique et à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées est la suivante :

« Publier le décret d’application prévu par l’article 78 alinéa 1er de la loi du 11 février 2005 relatif au droit, pour les personnes déficientes auditives, à une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore. »

Les articles

Article 1er de la CIDPH « Par personnes handicapées, on entend des personnes qui présentent des incapicités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

article 13 de la CIDPH : « Les États Parties assurent l’accès effectif des personnes handicapées à la justice, sur la base de l’égalité avec les autres, y compris par le biais d’aménagements procéduraux et d’aménagements en fonction de l’âge, afin de faciliter leur participation effective, directe ou indirecte, notamment en tant que témoins, à toutes les procédures judiciaires, y compris au stade de l’enquête et aux autres stades préliminaires. Afin d’aider à assurer l’accès effectif des personnes handicapées à la justice, les États Parties favorisent une formation appropriée des personnels concourant à l’administration de la justice, y compris les personnels de police (…) »

Observation générale n°6 du CRPD : « obligation légale positive d’apporter un aménagement raisonnable qui consiste en une modification ou un ajustement nécessaire et approprié lorsque cela est requis dans une situation donnée pour que la personne handicapée puisse jouir de ses droits ou les exercer »

Article 78 de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation de la citoyenneté des personnes handicapées : « dans leurs relations avec les services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant , (…), les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant selon les modalités et un délai fixés par voie réglementaire. Le dispositif de communication adapté peut notamment prévoir la transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Un décret prévoit également les modalités d’accès des personnes déficientes auditives aux services téléphoniques d’urgence »

Précision du DDD à propos de cet article : Concernant l’accueil physique, aucun décret d’application prévoyant les modalités de traduction prévues par cet article n’a été publié à ce jour (16 octobre 2019)
Les sigles

CIDPH : Convention Internationale Relative aux Droits des Personnes Handicapées

CRPD : Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies.

CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Précisions du DDD

« le handicap apparaît ainsi comme le résultat de l’interaction entre les facteurs personnels (incapacités de la personne) et les facteurs environnementaux (barrières liées à l’inaccessibilité ; barrières comportementales…etc), dont l’effet est d’entraver la pleine participation de la personne concernée. ».

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